Coupable et malveillant à jamais
L’« ergastolo ostativo » est une peine sans fin basée sur l’art. 4 bis du Règlement pénitentiaire italien et de sa modification par la loi 356/92, lesquels disposent qu’aucune mesure alternative à l’incarcération et aucun bénéfice pénitentiaire ne soient prévus pour les détenus qui ont été condamnés pour des crimes organisés.
Ceci s’applique aussi à des détenus qui, dans des situations reconnues par certains éducateurs et juges – tel Carmelo Musumeci – devraient sortir de la prison parce qu’ils sont visiblement « récupérés », comme le voudrait l’article 27 de notre Constitution).
(V. aussi la page Qu’est-ce que l’« ergastolo ostativo » en Italie ?)
« Garder rancune équivaut à avaler du poison tout en espérant que l’autre périsse » (William Shakespeare)
Le Tribunal de l’application des peines de Pérouse, en écrivant à mon sujet, évoque
[…] l’engagement du détenu dans des formes de participation à la vie de la prison qui révèlent des capacités communicatives hors du commun. On notera également la détermination qu’il a montrée en promouvant une campagne d’information et de réflexion au sujet de la prison à perpétuité sans aménagement de peine (a priori, sans fin, sauf en cas de collaboration avec la justice). Pour cela, il s’est fait connaître dans le domaine culturel, politique et juridictionnel.
Le « groupe sur le traitement des prisonniers » (« gruppo trattamentale » : groupe d’évaluation formé par des éducateurs, des psychologues et des commissaires, ainsi que par la direction de la prison) écrit à mon sujet :
Les aspects positifs prévalent. Il est impliqué concrètement dans toutes les initiatives récréatives et culturelles qui sont organisées. Le 19.05.2011, il a reçu un éloge pour la motivation qu’il a montrée tout au long de son parcours d’études ; le 24.05.2010, il en avait reçu un autre pour la motivation qu’il avait montrée lors d’une représentation théâtrale. La participation à plusieurs concours littéraires nationaux lui a valu des jugements positifs, des appréciations et des prix de la part de personnalités de la collectivité externe. Récemment, une nouvelle de Musumeci a été publiée dans l’anthologie « Racconti dal carcere » (Nouvelles de prison), chez Arnoldo Mondadori Editore. Particulièrement intéressé par des sujets de société, il travaille depuis longtemps avec plusieurs associations actives dans le domaine du « système carcéral ». Il montre un intérêt profond pour les sujets traitant de questions sociales et des problématiques liées à l’expérience » de l’emprisonnement. Depuis longtemps le détenu s’est engagé dans un parcours d’introspection critique sans déformations ni simplifications : sans doute ce parcours a-t-il été encouragé par l’étude des disciplines du droit, par une compréhension différente de la notion de légalité, par la disponibilité à s’impliquer dans des actions réparatrices au sein de la Communauté Giovanni XXIII, et par un profond investissement positif vis-à-vis de sa famille. […]
Jugement de fiabilité individuelle
(Synthèse, octobre 2011).
Pourtant, malgré tous ces beaux discours de mes « juges » et de mes « éducateurs », je ne pourrai jamais sortir si je ne collabore pas avec la justice et si je n’envoie pas quelqu’un en prison à ma place. Je pose donc cette question : est-il utile d’écrire et de gaspiller des ressources publiques pour un homme coupable et malveillant à jamais, qui doit mourir en prison ? Je pense que la décision de ne pas collaborer devrait être un choix intime, un droit absolument personnel et inviolable, et ne devrait nullement entraîner des conséquences pénales (ou de traitement) si graves et définitives. Je pense que ce choix devrait être respecté, et non puni par des conséquences pénales si importantes et démesurées, pour un détenu condamné à perpétuité, qu’on a presque l’impression que la décision de ne pas collaborer est encore plus grave que le crime qui avait été commis. Je pense qu’un homme a le droit de choisir de ne pas collaborer, que ce soit par ses convictions idéologiques, morales, religieuses, ou par la volonté de protéger sa famille.
Je fais des efforts pour évoluer et pour changer tout en restant moi-même. Cela est sans doute une faute grave du point de vue des « gentils », et le prix à payer est de vivre en prison jusqu’à mon dernier jour. Mais en prison, on souffre davantage lorsque l’on a été pardonné ; par conséquent, dans un certain sens, nous sommes nombreux qui pouvons nous réjouir du fait que les « gentils » ne nous accordent pas leur pardon.
Carmelo Musumeci
Interview de Carmelo Musumeci au journal télévisé italien
« Je voudrais commencer à purger ma peine dans une façon qui soit utile à la société, pour que le mal que j’ai fait soit réparé par le bien.
Seul le pardon peut nous libérer du remords ; le remords est la pire des peines, la plus douloureuse. Tant que la société n’arrête pas de nous haïr, les années passant, nous finissons par nous sentir innocents, nous nous sentons plus coupables : il n’y a que le pardon qui puisse nous faire sentir coupables. »
L’appel d’un homme d’ombre aux hommes et aux femmes politiques italiens.

Carmelo Musumeci à l’époque de son emprisonnement
Il est connu que, dans le cadre de l’affaire Scoppola c/Italie du 17 septembre 2009, la Grande Chambre de la Cour Européenne des droits humains a considéré qu’il est possible que la condamnation à la prison à perpétuité d’un requérant ayant précédemment demandé d’être jugé par procédure abrégée, soit aménagée en une peine temporaire (bien que la loi ait empiré par la suite).
En conséquence de cette décision, la Cour de Cassation et la Cour Constitutionnelle italiennes ont dû adhérer à ce principe lorsqu’elles se sont prononcées sur une autre affaire similaire. Maintenant, donc, nombreux sont les Juges de l’application des peines qui transmutent la peine de prison à perpétuité en une peine temporaire de 30 ans pour les condamnés qui se trouvent dans la même situation.
L’Italie est un pays bien étrange sous tous les points de vue. En effet, dans le domaine du droit pénal, la gravité de la peine à laquelle tu as été condamné compte moins que la période dans laquelle tu as été jugé.
De fait, seuls les condamnés qui ont eu la «chance» d’avoir été jugés pendant la courte période où les condamnés à la prison à perpétuité avaient le droit de demander la procédure abrégée, pourront bénéficier de la réduction de leur peine à 30 ans ; en revanche, les autres ne le pourront pas. Cela, sans aucune distinction entre ceux qui le méritent et ceux qui ne le méritent pas, mais par un pur hasard.
L’autre jour, un condamné à perpétuité m’a écrit ceci :
« Carmelo, tu as sûrement appris que pour beaucoup d’hommes d’ombre, la peine de prison à perpétuité a été aménagée en peine de 30 ans de prison. Je ne peux que m’en réjouir ; pourtant, je ne te cache pas qu’il s’agit d’une injustice pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’être au bon endroit au bon moment. Voilà pourquoi, au nom de l’égalité du droit, les hommes et les femmes politiques devraient abolir la prison à perpétuité pour tout le monde. »
Et j’ai eu l’idée de lancer un appel au monde politique pour demander que la peine d’emprisonnement à perpétuité soit abolie pour tout le monde. Cette peine que nous appelons la «peine de mort en vie», nous qui sommes condamnés à une peine sans fin. Rien d’autre !
Des fois, je repense à mes premières années en prison : à cette époque-là, je trouvais du réconfort dans mes souvenirs et mes rêves, alors que maintenant, mes souvenirs et mes rêves me font souffrir encore plus.

Carmelo Musumeci aujourd’hui.
Pour cette raison, depuis plusieurs années, quand j’ouvre les yeux le matin je pense immédiatement que j’aurais préféré de mourir subitement dans mon sommeil. Pour nous, l’espoir est notre pire ennemi, car il nous oblige en vain à survivre pour attendre un jour qui n’arrivera jamais, le 99/9/9999.
Les pires injustices sont souvent commises au nom de la justice ; en effet, après tant d’années en prison, les condamnés à perpétuité, les hommes d’ombre, ont tellement changé qu’ils paient les fautes commises par des individus qui n’existent plus.
Aujourd’hui, je me disais que le temps n’existe pas pour l’homme d’ombre, car nous ne pouvons nous attendre à rien de bon. La mort est notre seul espoir pour terminer rapidement notre peine. Il ne me reste rien d’autre à faire que de lancer cet appel entre les barreaux de ma cellule, même s’il n’y aura que très peu d’hommes politiques pour le récueillir. Un appel pour que soit effacée la mention « fin de la peine : 9999 » qui a remplacé sur mon attestation de détention l’ancienne formule écrite en rouge : « fin de la peine : jamais ».
Carmelo Musumeci
Prison de Padoue, mars 2014.
Texte original : «Appello di un uomo ombra ai politici italiani»
À l’instar de Ponce Pilate, la Cour Constitutionnelle s’en lave les mains
À l’instar de Ponce Pilate, la Cour Constitutionnelle s’en lave les mains
Voici les faits : notre Constitution a beau être « la plus belle du monde », selon l’appellation de Roberto Benigni, mais pour les détenus et pour les hommes d’ombre elle n’est que lettre morte.
Le juge de l’application des peines de Florence avait soulevé auprès de la Cour Constitutionnelle italienne la question de la légitimité constitutionnelle de l’interdiction pour les détenus d’avoir des rapports intimes avec leurs compagnes ou compagnons, afin aussi d’éviter des pratiques dégradantes.
Tel Ponce Pilate, les juges de la Cour Constitutionnelle ont rejeté cette interrogation par la sentence n° 301/12 (rapporteur : Giuseppe Frigo) alléguant que le juge qui avait présenté le recours n’avait pas suffisamment décrit l’affaire en question et aussi pour des raisons liées aux exigences d’ordre et de sécurité.
Je pense que les juges de la Cour Constitutionnelle se sont comportés comme l’« azzeccagarbugli »(1) dans Les fiancés d’Alessandro Manzoni* : il peuvent bien avoir raison sur le plan formel, mais en d’autres occasions ils ont été beaucoup moins entortillés et chicaniers.
La famille devrait être l’élément social intermédiaire le plus important et basilaire, car elle constitue la « première cellule » de la société ; elle devrait aussi être protégée en prison, et les droits d’union civile (ou de concubinage) devraient (dans ce cas, le conditionnel est de rigueur) être protégés par la Constitution et par ses juges.
Le droit à la vie privée et familiale, qui comprend aussi la possibilité de partager un baiser ou une caresse avec son compagnon ou sa compagne, n’est pas quelque chose dont on devrait être privé lorsqu’on va en prison.
Je crois que l’État, tout en ayant le pouvoir de punir, ne devrait pas avoir celui d’empêcher un-e détenu-e de faire l’amour avec la personne qu’il/elle aime pendant des décennies (ou pour toujours dans le cas des hommes d’ombre, c’est-à-dire des condamnés à perpétuité n’étant éligibles à aucun aménagement de peine). Tout cela ne se produit pas dans les autres pays d’Europe.
La prison, trop de prison, nous rend asociaux. Je trouve qu’il est injuste et déraisonnable de punir deux personnes qui s’aiment à cause du fait que l’une d’elles a commis un délit. D’ailleurs, est-ce utile d’interdire à un détenu ou à une détenue de faire l’amour avec la personne qu’il/elle aime ? Ce n’est ni rationnel ni humain d’infliger au coupable une souffrance qui touche ses émotions pour réparer le mal qu’il a fait. À mon avis, il faut compenser le mal par le bien et non par encore plus de mal, car la souffrance inutile rend les individus encore plus méchants.
Je pense que la façon la meilleure de punir une personne est de la « condamner à aimer » : dommage que les juges de la Cour Constitutionnelle n’aient pas compris cela et qu’ils s’en soient lavé les mains, à l’instar de Ponce Pilate.
Carmelo Musumeci
Prison de Padoue, janvier 2013
Texte original : «La Consulta – come Ponzio Pilato – se ne lava le mani».
(1) L’« azzecagarbugli » est un personnage du roman historique « Les fiancés » d’Alessandro Manzoni. Il s’agit d’un avocat qui fait étalage de son érudition pour confondre les petites gens dans l’intérêt des hommes de pouvoir [Note de la traductrice].
Un sourire de mort depuis derrière les barreaux
Ces derniers jours j’ai lu qu’en Italie, le suicide est vingt fois plus fréquent en prison qu’ailleurs. Pourtant, l’article 27 de la Constitution italienne affirme que la fonction de la peine a un caractère de rééducation ; c’est sans doute vrai, mais uniquement pour les détenus qui arrivent à rester en vie en Italie (ou pour ceux qui n’ont pas été condamnés à la « Peine de mort en vie »). Encore, ces derniers jours j’ai lu sur le rapport de décembre 2012 de l’Observatoire permanent sur les décès en prison que :
« De 2001 à 2008, aux États Unis sur une moyenne de 2 millions de détenus il y a eu 1783 suicides en prison. En Italie, dans la même périosurde, une moyenne de 54 000 détenus nous avons eu 497 suicides. Pour être précis, en Italie la moyenne annuelle des suicides a été de 9,1 cas sur 10 000 détenus, contre 1,6 sur 10 000 dans les États Unis ».
Et bien, en Italie personne ne parle de ce massacre qui se passe en plein jour : les médias se taisent aussi bien que les politiciens et Notre Mère l’Église. Personne ne se demande pourquoi en Italie, contrairement aux autres pays, les prisonniers ont intérêt à mourir plutôt qu’à rester en vie ; sans doute parce que dans la majorité des cas, ce sont de pauvres diables aux marges de la société oubliés par tout le monde. Pourtant les institutions qui prennent en charge le corps du prisonnier devraient en prendre soin, ou au moins créer les conditions sociales pour qu’il puisse continuer à vivre.
Tout le monde ne sait peut-être pas que la pendaison est la méthode la plus fréquemment utilisée pour se donner la mort en prison. Voici un témoignage par un homme d’ombre (un détenu condamné à perpétuité n’étant éligible à aucun aménagement de peine) qui a essayé :
« […] Ce soir-là, j’éprouvais un sentiment de paix. Et je fis les choses tranquillement. J’étais tranquille, serein. Je ne pouvais me permettre de changer d’avis. Pourtant, mon esprit était mélancolique. Et je sentais dans mon cœur tout le poids de ce choix. J’ouvris la fenêtre. L’air était glacial. Je me frottai les mains à cause du froid. Puis je respirai à pleins poumons. Les seconds passant, je sentis l’envie d’en finir avec la vie grandir de plus en plus. Peut-être ce choix n’était-il pas le seul que j’avais, mais en ce moment je n’arrivais pas à en voir d’autres. Je m’éloignai de la fenêtre. J’attrapai ma tristesse avec mes mains. Je soulevai le matelas. Je pris la corde que j’avais tissu à partir du drap. Et je la nouai aux barreaux. Je pris le tabouret. Je montai dessus. Je vérifiai le nœud coulant. Il était parfait. Et je fis passer ma tête dedans. Pour un instant j’eus peur, mais en même temps j’avais hâte de me libérer de ce souci. Dans ma tête, tout était clair et simple. Pas de doutes, pas d’hésitation. J’avais intérêt à mourir immédiatement plutôt que de m’éteindre lentement, dépourvu d’espoir et d’avenir. Progressivement, chaque jour et chaque nuit, comme si je prenais la mort en goutte. Puis je pensai qu’il était encore possible de changer d’avis. Je pouvais encore revenir sur mes pas. Et choisir de vivre. Mais je préférais bien mourir plutôt que de vivre une existence dépourvue de vie. Je donnai alors un coup de pied au tabouret. Et j’arrivai à penser qu’il était maintenant trop tard pour changer d’avis. Puis j’éprouvai une douleur forte. Comme si quelque chose s’était déchiré en moi. Les muscles du cou se contractèrent. Mes poumons commencèrent à se débattre en essayant de respirer. Mes jambes commencèrent à trembler. Mes yeux se brouillèrent. Et je compris que j’étais plus près de la mort que de la vie. Mais tout d’un coup, la corde se cassa. Je tombai par terre comme un sac de pommes de terre. Et je recommençai à respirer. […] J’espère trouver un jour le courage pour réessayer. »
Je crois qu’il est politiquement et moralement inadmissible que ce soit si facile de se donner la mort en prison dans un silence criminel de la part des médias et de la société.
Carmelo Musumeci
Prison de Padoue, 10 janvier 2013
Texte original : «Un sorriso di morte fra le sbarre».
Bonne année 2013 de la part des hommes d’ombre
Bonne année 2013. L’homme d’ombre attend pour rien, il attend la fin de sa peine tout en sachant qu’elle n’arrivera jamais. Et le fait d’attendre pour rien tue le cœur de n’importe quel être humain. D’ailleurs nous n’avons pas de choix, si nous laissons faire les autres nous n’aurons jamais aucun espoir de terminer notre peine un jour. C’est pourquoi nous avons créé une liste de prisonniers condamnés à perpétuité n’ayant aucune possibilité de pouvoir retrouver la liberté un jour, lesquels, si dans les prochains mois aucun nouvel événement n’intervient leur donner de l’espoir, en été 2013 commenceront une grève de la faim pour faire connaître l’existence en Italie de la « peine de mort en vie ».
La seule peur que l’homme d’ombre n’ait pas est celle de mourir, car c’est seulement en risquant sa vie qu’il pourra peut-être vivre un jour.
D’ailleurs il ne nous reste que la lutte, que nous menons avec notre tête, notre cœur et notre vie. Et dans tous les cas, nous ne connaissons aucun autre moyen pour nous donner de l’espoir. Peut-être ce choix n’est-il pas le seul que nous ayons, mais nous n’arrivons pas à en apercevoir d’autres. Et dans tous les cas, nous n’avons plus le temps pour d’autres formes de lutte : nous n’avons que le temps qui nous reste.
Bonne année 2013. La mort en prison est une victoire pour les hommes d’ombre tout en étant une défaite pour la société, car lorsqu’un individu est condamné à la prison à perpétuité il commence à mourir lentement jusqu’au moment où il arrête de respirer. Seule la vie nous reste et c’est par notre vie que nous lutterons contre la « peine de mort en vie », parce que les hommes d’ombre vivront toujours uniquement dans ce maudit présent. Pourtant, nous sentons que notre existence ne se résume pas uniquement au mal que nous avons fait, qu’elle pourrait aussi comprendre le bien que nous pourrions faire si quelqu’un nous donnait de l’espoir ou une autre chance, une seule ; car toute forme de peine devrait être une privation de la liberté mais non de l’espoir, vu que sans l’espoir il ne peut y avoir de vie.
Bonne année 2013. L’homme d’ombre attend pour rien, il attend la fin de sa peine tout en sachant qu’elle n’arrivera jamais. Et le fait d’attendre, d’attendre pour rien, tue et torture le cœur de n’importe quel être humain. Certaines personnes ont compris que la liberté dépend de nous aussi : nous devons lutter avec notre esprit, notre cœur et notre vie, et crier que les assassins ne sont pas seulement ceux qui tuent, mais aussi ceux qui laissent en vie un homme pour le faire souffrir encore plus, car la prison à perpétuité est une peine inhumaine qui fait haïr Dieu, l’Univers et tous ceux qui y habitent. Beaucoup d’hommes d’ombre sont en prison depuis vingt ans, certains même depuis plus de trente ans, et ils pensent qu’il est très difficile qu’ils puissent un jour sortir de leur tombeau. Et le temps qui passe, pendant que nous restons ici, est en train de nous tuer et de nous torturer plus que n’importe quelle autre peine.
Bonne année 2013. À toutes les personnes qui pensent qu’il est juste, au nom de la justice et des victimes des crimes, d’emmurer une personne vivante, sans avoir la compassion de la tuer avant.
Bonne année 2013. À Margherita Hack, à Umberto Veronesi, aux centaines de Premiers Signataires et aux 24 000 et plus citoyens qui ont signé contre la peine de prison à perpétuité, pour le courage qu’ils et elles ont démontré en nous aidant, en s’impliquant en première personne, en nous soutenant, en s’opposant à une justice qui devient vengeance. Merci pour avoir compris qu’il est impossible de rééduquer une personne sans la pardonner et sans l’aimer.
Tous les hommes d’ombre embrassent vos cœurs depuis derrière les barreaux.
Carmelo Musumeci
Prison de Padoue, décembre 2012
Texte original : «Buon anno 2013 dagli uomini ombra».